"Les probabilités statistiques qu'une femme maîtrisant onze langues, dont plusieurs slaves, puisse gagner à deux loteries à la fois sont infimes, d'un ordre comparable à celles de rencontrer un elfe dans un récent éboulis rocheux sur la Nationale 1".
"Les trois grands tranquillisants c'est l'action, l'attachement, qui est notre vrai tranquillisant naturel (dès l'instant où quelqu'un d'autre nous sécurise on peut affronter le réel) et puis le troisième c'est la création".
C'est un roman fort, puissant. Qui marque, et laisse ses résonnances bien après que vous l'ayez refermé.
Je ne sais pas si je l'aurais lu, et en tout cas forcément pas en ce moment, si mon fils ne me l'avait mis entre les mains. Alors...
J'ai failli l'abandonner au bout d'une trentaine de pages, tant il était douloureux, puissamment douloureux : une femme au regard volontaire intercepte le Commandant d'un navire sur le marché, dans une petite ville de Sicile, Catane... Son regard lui parle étrangement, il la ramène chez lui, et elle lui fait une déroutante demande, après lui avoir livré une partie de son histoire : la mort de son fils d'un an sur le bateau d'une traversée vers l'Eldorado, vers l'Europe... Ce à quoi elle s'est accrochée pour survivre au cours de ces deux ans qui ont suivi : l'idée de vengeance : elle veut tuer l'armateur du navire et lui demande une arme... Et puis il y a aussi l'histoire des deux frères, dont Soleyman, le jeune, qui eux aussi veulent passer, laisser leur pays derrière eux avec tout ce que cela implique de souffrance... Un "deux" touchant dont je ne peux vous en dire plus... Bien sûr, on va perdre la trace de cette femme, on le sait vite, mais on va suivre ces autres hommes... Et la prise de conscience du commandant, et ce qu'il en fait...
Il parle aussi de la force qu'il faut pour aller vers ce qu'on veut à tout prix... C'est parfois tout ce qui compte, plus que le résultat, la force qu'on y a mise... Il parle aussi de solidarité, sans qui nous serions des bêtes...
"Dans combien de vies peut-on être soi-même ? Dans combien d'existences qui n'ont rien à voir les unes avec les autres et sont peut-être même parfaitement antinomiques ?"
Une fois n'est pas coutume, c'est le hasard qui m'a fait emprunter le livre-là, sans doute parce qu'il était, dans le rayon de la bibliothèque, à côté de celui que je cherchais qui lui, n'était pas là ! En tout cas : on peut dire qu'en cette période, il correspondait parfaitement à mes attentes et mes besoins. Et oui, un livre c'est aussi ça, n'est-ce-pas ? Donc : lent, qui se lit à petites doses, léger en apparence, dans un cadre autre... Ce livre avance vraiment à petites touches, comme les cercles concentriques qui se dessinent dans l'eau au jeté d'un caillou... Revenant parfois sur ses pas, pour explorer autrement, différemment l'histoire ou même les histoires...
Un roman à plusieurs voix. Celles que rassemble un même cours de dessin. Rien de ce qu'on attend, rien de ce qu'on imagine réellement là, avec ce livre qui change, sans doute déjà parce que son auteure est d'Afrique du Sud, et que ce n'est pas si fréquent. Alors, en arrière-plan, les conséquences de la séparation des peuples Tutsi et Hutu. Deux jeunes femmes, noires, Françoise et Doudou, soeur. Inextricablement liées. Inséparables. A tel point que vivre pour l'une surtout, sera même compliqué parce qu'il est inenvisageable pour l'autre qu'elle crée sa vie... Et puis Stella, la fillette de 13 ans en vacances en Grèce avec sa mère devenue grande, Ivor, le fameux Ivor, Luke, Thymothy l'amoureux...
Ca avance lentement vers un dénouement loin de ce qu'on attend.
Vraiment, c'était une lecture très plaisante, tellement rafraîchissante...
. L'amour a le goût des fraises, Rosamund Haden, éd. Sabine Wespieser, 2014 (éd originale, en langue anglaise) ; 2016 pour la traduction chez Sabine Wespieser.
"Quelqu'un avec qui se réchauffer, se réconforter physiquement, pour enrayer la fragilité qui s'installe dans votre coeur, se répand dans votre corps comme une pellicule de glace, un simple choc et la fissure s'étendrait, et vous vous noieriez dans l'eau glacée en dessous".