Si je devais n'utiliser qu'un mot pour qualifier ce livre, je dirais : hétéroclite ! Un peu comme un bazar, à l'image du nom de la bourgade où se déroule l'histoire, justement :
Bricabratsk. Alors, pour essayer d'y voir clair : d'abord, le titre. Pour ceux qui ne le savent pas, c'est le nom d'un fameux tableau de Van Gogh. Il se trouve que Lidia, le personnage principal
est "gardienne de musée". Toute la journée, elle garde les peintres hollandais. Sa vie est à l'image de tout cela, morne et tranquille, et sans doute aussi à l'image de ce qu'elle perçoit des
peintres hollandais : elle s'y sent en sécurité. Alors arrive le boulerversement, sous deux formes : une exposition temporaire et exceptionnelle Van Gogh (elle est chargée d'une salle à
surveiller), et l'intrusion de Danila, le meilleur ami de son fils dans sa vie. Et tout d'un coup tout est boulerversé. Celle qui vivote découvre la vie... A partir d'une scène réelle d'un repas
autour d'un plat de pommes de terre. Il y a dans ce livre un questionnement sous-jacent sur ce qu'apporte l'art ; clairement mis en regard avec ce qu'apporte la vie, et il semble qu'au final,
l'un ne vale pas mieux que l'autre ? Les deux transfigurent, parfois, en bien ou en mal...
Ainsi, les deux personnages que sont Danila et l'autre grand blond John à Amsterdam sont clairement des figures qui se correspondent ; et le personnage principal vit des moments de plaisir,
d'extase, parce que d'oubli de soi, mais qui ne vont pas sans trahison. L'auteur semble nous dire : on vit à condition d'être trahi ! Le roman qu'on lit là a comme un goût d'un autre temps ; il
est pris dans les glaces entre deux époques : il y a le décalage des hommes (qui sont dans la modernité, avec leurs appareils téléphones, et leur réussite sociale) et les hommes qui sont des
femmes qui travaillent mais aux prises avec leurs sentiments, leurs déchirements sentimentaux, leur vie de famille peu épanouissante... L'épanouissement est synonyme de trahison et de départ,
mais il est de courte durée.
A côté de ça, il y a les passages qui, certes donnent des respirations, mais qui contribuent à l'impression de "bazar" qui sont des pages écrites au km, sur "Ce qui fait plaisir" "Ce qu'on
collectionne", etc. qui sont plus des intrusions de l'auteur dans son récit... Avec un style qui lui aussi, est assez hétéroclite...
. Les mangeurs de pommes de terre, Dmitri Bavilski, éd. NRF Gallimard. Paru en 2003, traduit du russe en 2004.