Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de la souris jaune

Toute la lumière que nous ne pouvons voir :))

10 Décembre 2015, 07:57am

Publié par LaSourisJOne

Toute la lumière que nous ne pouvons voir :))

Cela aurait été trop facile de balayer d'un trait de manche un travail un peu trop rapide, un peu trop léger, un peu trop superficiel d'un Américain qui s'avance sur un terrain qu'on a l'impression de tellement connaître : la seconde guerre mondiale, en France. Et pourtant. Ce livre-là est passionnant, lumineux. Plus que la seconde guerre mondiale en France, c'est plus précisément la guerre à Saint-Malo, Paris, et en Allemagne, dont il est question. Avec des choses qu'on ne lit pas sans effroi, et même sans angoissante résonnance, qui donne à voir la genèse du parti nazi, et des jeunesses hitlériennes. Quelques chapitres sont intenables, par l'édification des jeunes garçons par l'effroi, le groupe, l'humiliation, la peur, l'exemple horrifiant ; le personnage de Frédéric, le jeune homme sacrifié, le rêveur, amoureux des oiseaux qui ne concèdera rien, digne, est beau et terriblement poignant. Sa fin terrible, bouleversante.

Le personnage principal n'est pas celui-là, enfin l'un des personnages principaux : c'est Werner, jeune Allemand aux cheveux blancs depuis son enfance. On le suit intimement : son père mort à la mine, sa vie à l'orphelinat avec sa précieuse soeur Jutta, vie heureuse mais : il ne veut pas de cette vie à la mine. Alors la solution unique, s'il fait partie de l'excellence, l'autre solution, ce sont ces jeunesses 'Hitlériennes'. Sans qu'elles ne soient jamais nommées, les mots catégoriques auraient tendance à étiqueter : là, c'est la vie quoitidienne de Werner, ses abdications pour accéder à une vie autre. Et puis là-bas, son manque de sa soeur, qu'il s'efforce d'enfouir, de même que sa pensée.

Et puis il y a parallèlement de très très beaux personnages en France ; le père de Marie-Laure, qui élève seul sa fille, aveugle jeune à 7 ans, à Paris, avant qu'ils ne partent pour Saint-Malo, retrouver l'oncle, à pied, quand il ne sera plus possible de vivre à Paris au début de la guerre. Et là un monde tout en finesse, tout en beauté, en humanité ciselée et lumineuse. Là aussi la vie est rude, on a à faire à un monde de travailleurs, mais il est ébloui, éclaboussé de lumière par les gestes d'amour de ce père pour sa fille. Père serrurier, gardien des clés du Museum d'histoire naturelle de Paris : il lui fabrique des maquettes, précises, de bois, pour qu'il puisse se retrouver dans la ville d'abord Paris puis Saint-Malo. A chaque anniversaire il lui offre une boîte, un casse-tête pour éprouver sa vivacité, avec un petit cadeau dedans. Et puis il y a ce diamant, l'Océan de flammes' et sa légende, caché au fond du Musée. Un diamant qui protégerait en même temps qu'il décimerait... Et cet Allemand, qui le traque. Et puis bien sûr, cette sublime histoire des ondes, qui touchent et rassemblent les êtres au delà des frontières, les ondes de radio émises par l'oncle, et entendues - hasard stupéfiant, mais on n'a vraiment pas envie de mégoter ! - alors qu'il était petit, avec sa soeur en Allemagne.

Anthony Doerr nous balade dans Saint-Malo, dans la rue Vauborel, et ses ruelles avec brio. On y est. Je ne sais pas ce qu'en dirait les vieux Malouins, mais vraiment il y a là un sacré boulot. La guerre pendant cette période et la vie à Saint-Malo avec les bandelettes de papier dans les miches de pain, et Marie-Laure, Marie-Laure, ses pas dans la ville, son appréhension du monde de l'intérieur, avec les yeux de l'âme. Vraiment, vraiment, j'ai adoré. Et je sais déjà, que je mettrai du temps à entrer dans une autre lecture, un autre univers.

Bibliothèque d'Evran.

. Toute la lumière que nous ne pouvons voir, Anthony Doerr, 2014 (EU), éd. Albin Michel, avril 2015.

Commenter cet article
D
Tu l'avais tellement désiré ce livre, je suis contente que tu ne sois pas déçue!...En plus, de la bibliothèque d'Evran, s'il vous plaît!..bisous
Répondre
L
C'est vrai. Et en même temps, je sais tellement que les auteurs américains peuvent être superficiels, je m'y attendais, en fait. Pêché d'orgueil ;) et oui, cadeau, j'ai bien aimé finir par le lieu, enfin, qu'est un lieu sans l'humain, qui m'avait permis de le lire ;)))