Si tout n'a pas péri avec mon innocence
Oula. Que dire de ce livre-là ?
C'est un livre loin du consensus, ou du politiquement correct.
Un livre autour d'une adolescence, qui parle du suicide d'un enfant mal-aimé (le petit frère, mis à mal par l'intransigeance du regard des autres), de désillusions et de désenchantement, d'abdications et de sexualité. Sur fond de famille tuyau-de-poëlle, assez ignoble en tant que famille, dont la description n'a pas été sans me rappeler l'univers d'un Albert Cohen et de ses Valeureux : personnages hauts en couleur, atypiques non dans l'héroïsme, mais souvent dans le grotesque ou le ridicule, "défauts" qui finissent parfois d'ailleurs par être transcendés...
La narratrice a 20 ans, et raconte. Sa famille, odieuse d'immaturité, d'irresponsabilité, d'égoïsme... Et avec laquelle il faut pourtant grandir. Ses humiliations constitutives. Son amour pour Charles Baudelaire. Son petit ami. Le suicide de son jeune frère. Et puis comment elle décide de reléguer le désir dans d'autres sphères, de vendre son corps pour s'extraire de sa cellule familiale. Etonnante et quelque peu dérangeante vision de la prostitution ; et en même temps validant l'idée selon laquelle notre corps n'est pas le dernier rempart de notre liberté, et que l'offrir en pâture n'est pas pire que d'être caissière dans un supermarché... C'est désabusé. Bien sûr, ça vient interroger les stigmates que la vie nous donne, et malgré lesquels il faut bien pourtant poursuivre, et avancer...
La vision du désir est intéressante ; plus inattendu ce plaidoyer final en faveur des femmes excisées...
Emmanuelle Bayamack-Tam écrit dans une langue très riche d'images et de vocabulaire, d'un niveau soutenu, et bien à elle. C'est évidemment ce qui donne sa densité et son unicité à ce
livre...
. Si tout n'a pa s péri avec mon innocence, Emmanuelle Bayamack-Tam, éd. P.O.L, janvier 2013.