Nadja :)
Je viens de relire Nadja, un des livres
qui m'ont beaucoup marqués, surtout quand on les lit comme ce fut mon cas jeune. Qui viennent râtisser toutes vos certitudes en matière de littérature, et vous faire comprendre à quel point rien
ne sera plus comme avant ! Dans cet esprit, il y aura eu ce livre, et puis bien sûr Sarraute, la grande Nathalie Sarraute. Alors évidemment, écrire sur Nadja comme si j'écrivais sur
n'importe quel autre livre ne va pas être un exercice facile mais je vais essayer.
Fidèle à son crédo du livre "ouvert et battant comme une porte", la première partie est arride... Tournant autour de ce qu'il dénonce, la vanité, la vacuité d'écrire un roman et de s'essayer à des tentatives de psycholosigation des personnages, comme à l'apogée du roman psychologique au XIXème siècle... Breton pervertit notre rapport au roman, il enchasse, pour tenter de faire naître l'improbable, le fugace, ce qui palpite... Et évidemment le personnage de Nadja palpite, qu'il nous livre au gré de leurs rencontres, et jusqu'à l'annonce de l'entrée de celle-ci dans un asile psychiatrique. Ce personnage qui porte le nom du "commencement du mot espérance, et parce que ce n'en est que le commencement".
La rencontre avec Nadja l'aura livré à la "fureur des symboles", lui qui la recherche, avec son groupe d'amis du surréalisme. Les photos, dessins égrènent ce livre pour mieux donner à voir ce que le couple aura vu. La fureur des symboles, à condition de s'arrêter en chemin, au nom de "l'instinct de conservation", ce qui n'était pas possible pour Nadja. J'ai aimé cette tentative de nous restituer le réel transfiguré, vu par leurs deux regards, au gré de leurs pérégrinations parisiennes ; la ville, la rue, prennent une autre dimension quand on regarde autrement et au delà des apparences... Sa vision de la folie, du confort des asiles psychiatriques pour ceux qui vivent au dehors, est évidemment une idée très intéressante : comment s'en sortir lorsqu'on y est, que les codes sont tout autres, et que l'on est livrés à la rationnalité imparable et sans faille de grands professeurs ? Evidemment ça interpelle.
Breton aura-t-il poussé Nadja jusqu'aux portes de la folie, qui lui tendait les bras ? Bien sûr il s'interroge, avant de sauver l'amour, et d'écrire quelques pages, en guise d'ôde à l'amour... Car pour Breton il y avait la poésie, bien sûr, la beauté (non conformiste) et l'amour... Tant de choses, et les idées chères au pape du surréalisme contenues dans ce petit livre !
. Nadja, André Breton, éd. Gallimard Folio, 1964. Ecrit en 1926.