Les insurrections singulières :))
C'est une histoire de
rêves, confrontés aux contraintes de la vie réelle...
C'est l'histoire d'Antoine. Quadragénaire aux prises avec sa vie trop étroite, ou mal à sa mesure. Quitté par Karima, avec qui il a passé quatre ans, un amour dans lequel là aussi, il se reproche de ne pas être allé au bout. Antoine l'ouvrier, qui travaille à l'usine ; qui fait seule naître les mots, les mots de la révolte, alors même qu'il se sent imposteur, lorsqu'il harangue ses compagnons de boulot devant la menace de l'internationale...
Antoine se revoit à 8 ans, alors qu'il courait éperdu sous la pluie, étouffant déjà ; chez ses parents, il souffre de voir ses parents résignés, dans leur destin de tous les jours. Il accompagne sa mère sur les marchés. Rencontre Marcel, l'homme des livres ; et s'enfuit. Puis, c'est un des livres de Marcel qui sera le déclencheur. Alors que "Lusine" délocalise une partie de sa production au Brésil, à Monledave, Marcel retrouve pour lui une biographie d'un certain Jean de Monlevade, parti à la fin du XIXème siècle, à l'assaut du Brésil, y installer des hauts fourneaux... Ce sera la révélation, le déclic pour Antoine. Soudain Antoine veut connaître ces autres ouvriers du Brésil... Marcel et lui partent pour leur premier long voyage, eux qui n'ont jamais voyagé... Et Antoine, jusqu'alors toujours emprisonné dans son incapacité à dire va se libérer, et ressentir la joie d'être enfin vivant, et au monde, jusqu'à celle belle rencontre avec Thaïs, la passionnée, celle dont les doigts cousent la beauté à travers les tissus...
J'ai aimé le lent cheminement d'Antoine, ses plaques obscures qu'on voit bouger tout doucement au creux de lui-même, son avancée à tâtons, belle parce que humble ; j'ai aimé le père, et son carnet noir, touchant dans ce geste de consigner chaque jour, si peu, mais sans relâche, ce qui se passe à l'usine, ses secrets de fabrique, et parfois, rien. Juste la date, et un bouleversant trait sous la date, puis celle du lendemain.
A la fin de son livre, Jeanne Benameur raconte que ce sont plusieurs rencontres avec les salariés d'Arcelor-Mittal qui lui ont donné envie d'écrire ce livre ; des rencontres où dire était fondamental, pour les salariés, qui trouvaient un espace précieux pour exprimer leurs souffrances et leurs doutes...
Après Profanes, ce second Benameur me donne décidément envie d'en découvrir d'autres... Merci Amandine de m'avoir chaleuresement recommandé celui-ci !
. Les insurrections singulières, Jeanne Benameur, éd. Actes Sud. Janvier 2011