Le reste est silence
J'ai mis du temps à rentrer dans ce livre-là. Gênée sans doute
par la triple narration, qui alterne la voix d'une femme, d'un homme et d'un enfant, sans véritable différence de ton. Du coup, on peine à rentrer dans chaque chapitre, il faut le temps du
travail mental pour trouver qui parle...
Pourtant, le récit avance, inexorablement. L'histoire était prometteuse : un enfant, fragilisé par une opération du coeur et choyé par son père, a pris l'habitude d'écouter et d'enregistrer les conversations d'adultes, pour comprendre le monde... Un jour, lors d'une fête de famille, il surprend l'une d'elle au cours de laquelle il apprend que sa mère, qu'on a dit morte d'une maladie, s'est en fait suicidée... Et il va se retrouver seul, pour affronter et digérer tout ça.
Je trouve la dernière partie de ce livre très forte, à travers le drame qui se noue. Tout s'est articulé lentement... Et cet enfant qui ne comprend rien à ce monde d'adultes qui ne lui expliquent rien finit par tisser sa vérité, sa terrible vérité, qui le rapproche de sa mère suicidée...
Ici, le fait d'être juif est donné à voir comme quelque chose qui transforme, qui modifie, qui marque. Souvent trop lourd à porter.
Au coeur de ce livre surtout, ce que l'on cache aux enfants, au prétexte de les protéger, et qui les marque inévitablement, malgré tout, souvent les condamnant à creuser, à chercher seuls le sens à travers les secrets de famille pour se construire. Et ne pas dire est finalement une obstruction majeure, vitale...
Et puis il y a ces rapprochements et éloignements d'adultes, plutôt joliment esquissés. Comment une histoire naissante (Alma et Léo) s'installe dans le terreau d'une autre qui s'essouffle (Alma et Juan), et comment la première, malgré tout, à travers tout ce qu'elle induit, peut vaincre, lorsqu'un cataclisme survient.
Et puis il y a encore comment nos peurs, si l'on décide de ne pas les affronter, peuvent tout emporter sur leur passage, tout dévaster, tout détruire, jusqu'à nous condamner à la solitude (Juan)...
Plutôt déçue par l'écriture et la structure du récit, celui-ci surprend quand même par la force de son dénouement...
. Le reste est silence, Carla Guelfenbein, éd. Actes Sud, 2010. Traduit de l'espagnol (Chili).
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