Fermer l'oeil de la nuit
D'abord j'avoue
sans honte avoir acheté ce petit livre pour son aspect extérieur : sa couverture et son "oeil de boeuf" qui pousse à la curiosité, son titre, la sobriété de sa 4ème de couverture qui réside en
une seule phrase ("grâce à vous, il va peut-être m'arriver autre chose"), et la douceur extrême du papier de ce petit objet...
C'est un livre étrange que celui-ci... Tournant autour de l'idée de l'imbrication du dedans et du dehors, symbolisé sans doute pour le mieux par le motif de l'oeil de boeuf, lien parfait, trait d'union entre l'extérieur et l'intérieur : l'oeil de boeuf nous donne ce qu'on ne devrait pas voir, dérobe ce qui se cache de l'autre côté...
La prison (en tant que lieu emblématique fermé sur l'extérieur) est une des thématiques clé du livre. Même si on pourrait se dire que finalement, ce sont les lettres (lien entre le dedans de la prison et le dehors) qui s'échangent entre un détenu et sa correspondante qui sont plus là au coeur du livre : la narratrice va se mettre à écrire des lettres à celui qu'elle imagine être son frère, et ces courriers (ceux qu'elle envoie et ceux qu'elle reçoit) vont jalonner le récit.
Les entre-deux encore, avec la rue, le couloir : les lieux (l'un extérieur, l'autre intérieur) où l'on rencontre, les lieux où la vie peut se densifier et se transformer. Où la narratrice rencontre son voisin. Qu'elle aperçoit par l'oeil de boeuf. Et bien sûr, finalement, puisque c'est ce sujet qu'elle décline, elle explore aussi cette question : "que se passe t-il de l'autre côté de la cloison ?" : l'autre côté de la cloison c'est à la fois l'extérieur et l'intérieur, avec l'idée que par les bruits, les deux univers s'interpénètrent. Au coeur de ce livre encore, donc, ses voisins (ils habitent au dessus), à qui la narratrice vole des bribes d'intimité... Un couple étrange, d'artistes.
Le livre est fondé comme un objet cérébral sur ce triptique : elle (la narratrice), lui (le frère ou assimilé), et le couple de voisins. Pour faire aussi voler en éclat les évidences : elle malgré sa liberté, vit comme une recluse volontaire (sortant très peu de chez elle) ; lui, qui par ses lettres a "de l'effet sur l'extérieur", ayant "le sentiment d'être ici et là-bas" et le couple, prisonniers de faux semblants mine de rien, et de leur incapacité à communiquer...
Un livre que j'ai trouvé intéressant finalement, mais véritablement mental, cérébral, voire conceptuel.... Je crois que ce qui m'a plu cela dit, c'est que l'auteur nous épargne une psychologie sans finesse trop souvent caractéristique de nombreux romans "trop" classiques de ce point de vue-là.
. Fermer l'oeil de la nuit, Pauline Klein, éd. Allia. Septembre 2012