Cette main qui a pris la mienne
Je confesse que je n'ai pas aimé ce livre-là autant que
"L'étrange disparition d'Esme Lennox" du même auteur.
Pourtant il ne manque pas d'intérêts !
L'installation des personnages dès l'incipit est bluffant, je lui ai trouvé une allure de tragédie grecque... Car c'est à cette manière qu'on découvre les personnages, Alexandra (Lexie) notamment : comme si un choeur extérieur et tout à la fois présent soulevait un coin du voile et nous les donnait à voir. Ainsi, ce sera une constante dans le roman : on regardera les personnages évoluer, sans forcément les comprendre, en tous cas sans introspection.
L'histoire est un entrelacs de deux récits, à deux époques différentes : là encore, l'installation des scènes, quelques détails suffisent à nous faire comprendre dans quel contexte et à quelle période tout cela se passe. En l'occurrence fin des années 50 (Lexie) et aujourd'hui, ou presque pour Elina.
Autre vision surprenante que fait naître cette façon de raconter : celle qu'on nous donne à voir des photos en noir et blanc, des photos anciennes et que c'est celles-là même qu'on a sous les yeux. C'est assez particulier.
Quant à l'histoire, évidemment ce qui nous accroche, c'est l'envie de comprendre quel lien existe entre ces deux histoires : qui sont ces personnages les uns par rapport aux autres ? On devine bien sûr qu'ils sont liés.
Personnellement, l'histoire de Lexie, cette femme libre dans un temps où les hommes font le monde et où il est si dur encore de se faire une place professionnellement m'a beaucoup plus intéressée. L'histoire d'Elina est, finalement, comme une fausse piste... J'avoue que les troubles de Ted, le mari d'Elina, m'ont moins passionnés, même s'ils sont étonnants bien sûr, ne serait-ce que dans ce qu'ils suggèrent : le passé remonte toujours, et parfois d'étrange manière...
La question de la maternité est également réccurrente dans les deux histoires, avec un éclairage un peu différent, mais autour d'un leitmotiv plutôt moderne : la maternité est vue comme un inévitablement rétrécissement d'un monde, qu'impliquent les taches domestiques liées à l'arrivée d'un bébé ; qui s'accompagne donc d'un âpre combat si tant est qu'on ne veut pas abandonner ce qui nous constitue quand on est femme, et notamment sur le plan professionnel ... Et le combat est encore plus touchant je trouve, pour cette femme qui élève seule son enfant dans les années 60, et qui passe pour une marginale parce qu'elle ne renonce pas. J'ai aimé la force d'âme de ce personnage, et la ligne qu'elle suit coûte que coûte.
Ce roman est beaucoup moins classique que son "Etrange disparition d'Esme Lennox" (qui jouait déjà avec les temporalités), mais j'ai préféré "L'Etrange disparition".
. Cette main qui a pris la mienne, Maggie O'Farrell, éd. Belfond, avril 2011.