Nos âmes la nuit :)

Roman.
Une femme âgée de 75 ans (quelle horreur, de la transformer en un chiffre !), vivant seule dans la bourgade de Holt (Michigan) va un jour trouver son voisin pour lui faire une proposition raffraîchissante : qu'il vienne dormir à ses côtés la nuit.
Pour apprivoiser cette rude solitude.
Ce livre avait tout pour me plaire, sauf peut-être une, à laquelle pourtant je n'ôte rien : son écriture. Il sourd dans ce livre une mélancolie profonde. Que ne réveillent jamais les dialogues, puisqu'ils sont enfouis dans le corps du texte.
Par certains côtés, il m'a fait penser au Tom, Petit Tom, tout petit homme, Tom, de Barbara Constantine. Ce rapprochement salvateur des générations, autour des choses simples et essentielles à côté desquelles les adultes mal grandis, exangues dans leurs vies d'adultes, passent en gachant la vie de leurs enfants.
Les thématiques abordées sont intéressantes, peut-être parce que souvent trop taboues : la solitude destructrice des nuits, l'âge et la sexualité, les sentiments après avoir partagé une vie d'amour pendant 40 ans... Je reconnais à cet auteur le mérite d'aborder de front une part si importante de nos vies, et qui reste pourtant dans le secret de nos intimités : notre sommeil, et nos nuits. Ici sommeil et insomnies, sommeil marqué par une profonde solitude des personnes âgées, sommeil aussi et cauchemars, marqué par la souffrance due à un abandon, ou aux tracas du quotidien chez l'enfant (le petit-fils Jamie).
J'ai aimé les deux protagonistes Addie et Louis, leur fraîcheur, leurs conversations ; ils sont si touchants, lorsqu'ils affrontent le regard des autres, dans leur petite bourgade, et qu'ils bravent le qu'en-dira-t-on ! Ce qui les abat, et qui interpelle évidemment, c'est la famille : le fils, dont on connaît l'histoire, fait frémir par ses certitudes, ses carquans, la tyrannie qu'il impose au nom du 'bien-penser' ; alors qu'on le voit enfermé dans ses erreurs, dans ses tracas... Cette partie de l'histoire m'a beaucoup touchée, interpellée : ce renoncement à ce qui compte plus que tout dans le présent, au nom de 'la famille', et pour l'avenir... Cependant, je sais que l'écriture contribuera à me rendre cette lecture volatile.
Je suis contente d'avoir enfin lu ce livre, malgré tout ! Et c'est à Delphine que je le dois, merci, Delphine !
Médiathèque de Saint-Malo.
. Nos âmes la nuit, Kent Haruf, 2015 (Etats-Unis) ; 2016 pour la traduction française aux éditions Robert Laffont.