24 heures de la vie d'une femme :))
Roman.
Parfois, revenir aux fondamentaux fait du bien. C'est étonnant toutefois de voir que je garderai encore en tête précisément les scènes, les passages, qui y étaient déjà gravées : celles des mains, fascinantes, au casino, et celle de la balade en fiacre, au long de la corniche, ce moment de partage, serein, suspendu, entre ces deux protagonistes... Le reste se diluait dans ma mémoire, et ma mémoire travaillera de même, je pense avec le reste du texte. Alors, sauver de l'oubli, cette mise en situation, chère à Zweig, d'un début qui fait naître l'histoire, mais qui n'est pas l'histoire ; un début qui évoque au protagoniste une scène de son souvenir, une tranche de son histoire, et qui va nous la livrer. Là, la disparition de Mme Henriette, accusée par certains de s'être envolée en une nuit avec un homme inconnu encore la veille... Le narrateur, ou celui qui écoutera l'histoire de la protagoniste, va encore se révéler dans ce qui est cher à l'auteur : l'absence de jugement. Et c'est ce qui fera venir, naître la confidence, la confession.
J'avais - comment est-ce possible ! - presque oublié l'excès, qui sourd chez Zweig. L'excès en émotion, sentiment, ressenti, en première fois, en tout... Qui renforce le côté exceptionnel des instants. Et puis il y a la course après le temps, dont je ne me souvenais plus, dans ce livre précis, de l'héroïne, quel suspense, où tout va se jouer, ou se perdre, les minutes qui défilent alors qu'elle doit retrouver le jeune homme pour prendre son train à la gare, et le suivre, alors qu'il ne le sait pas... La vieille tante, qui l'accapare, Zweig a tant fait monter la pression, qu'on est agacé nous même par cette cruche qui va tout faire rater, alors que les minutes défilent, et on est las, comme l'héroïne, alors que le train part... Non, c'est impossible ! Et puis le récit ne s'arrête pas là, bien sûr... Reste encore un rebondissement, et une fin d'histoire qui n'en est pas une, qui pourrait laisser sur sa fin, comme souvent dans la vie... Ce jeune homme qu'elle retrouve, il n'a pas tenu sa promesse, elle essaye de lui faire entendre raison, à chaud il ne l'entend pas, alors déboussolée, alors qu'il ne lui donne que sa colère, elle va fuir, loin, loin... Et nous on se demande (même si on a tort de se le demander) : que se serait-il passé, si elle avait attendu ? Si elle l'avait retrouvé à froid ? Non, c'est stupide, ce qui ne doit pas être ne doit pas être, tout simplement, et Zweig excelle à nous livrer des histoires fortes et tellement proches de l'entendement humain...
Une belle plongée dans un livre aimé.
. 24 heures de la vie d'une femme, Stefan Zweig, 1ère édition 1927. (Ed. Le Livre de poche)