Le problème Spinoza :)))
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Je connais quelqu'un que vous connaissez peut-être aussi qui dit : "Irvin Yalom rend son lecteur intelligent !". Alors je reprends sa tournure avec plaisir, car je trouve que ma chère Luocine a raison. Intelligent, bienveillant, et curieux... Ici, nous pénétrons au coeur de deux périodes de l'Histoire éloignées de plusieurs siècles. 1640, et 1940. Pendant quelques années, voire quelques décennies deux fois, nous allons vivre avec Spinoza d'un côté, Alfred Rosenberg de l'autre. Ce livre est magistral. Car c'est vraiment à l'intérieur qu'il nous entraîne, et il nous aide à comprendre l'incompréhensible. Autour d'une énigme passionnante, pour l'auteur, mais qu'il rend passionnante aussi pour nous : le "problème" Spinoza. A son époque, Spinoza est excommunié par sa communauté juive, pour exprimer ses idées teintées de raison, telle que l'idée selon laquelle une vie après la mort existerait est une hérésie... Les fanatiques, puissamment attachés à leurs croyances prononcent le herem et le voici rejetté de sa communauté. Tout au long de sa vie, il ne cessera de réfléchir, écrire. On pénètre avec intérêt chaque instant de sa vie. Et puis on découvre Alfred Rosenberg, tout au long de sa vie. De son enfance à sa mort, jusqu'au procès de Nuremberg, des grands criminels nazis. Parce qu'il sera l'un des idéologues du parti. Les êtres ne sont plus des figures dans un livre d'Histoire, ils s'incarnent, ils deviennent des êtres de chair animés par leurs passions, marqués par leur passé... Ce livre est extraordinaire tant il aide à voir avec d'autres yeux, car de l'intérieur une période aussi noire de l'Histoire. Il n'excuse pas, évidemment, mais il aide à comprendre, car on peut penser que tout ce qui est raconté ici est juste, y compris au niveau des ressentis, des personnalités... Extraordinaire encore la façon dont les deux histoires se répondent, s'entremèlent malgré elles, parce que l'auteur nous les livre simultanément ; cela donne du poids de la force à quelque chose qui a disparu ; cela redonne une incroyable puissance à des idées, à la pensée, au delà de son concepteur : eh oui, un être traverse les siècles par le biais de sa pensée, et par ce biais est immortel. Etonnante aussi, cette histoire, et béni, ce "caillou" dans la chaussure des nazis : Spinoza. Un juif, qui peut concevoir une telle pensée, et fasciner autant de grands penseurs allemands ! Comment est-ce possible ? L'auteur imagine que c'est ce qui marqua la vie de Rosemberg, ce qu'il ne parviendra jamais à comprendre, ce sur quoi il butera toute sa vie.
De très belles leçons d'Histoire. Car on lit aussi bien sûr l'histoire de l'intolérance de l'autre, malheureusement toujours tapie dans l'ombre, à toutes époques, et qui peut tellement dégénérer, si on ne la raisonne pas... Merci à Brice de m'avoir encouragée à lire ce livre, merci pour la découverte.
. Le problème Spinoza, Irvin Yalom, Avril 2012.