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Le blog de la souris jaune

corps

Arithmétique de la chair :)

7 Août 2016, 09:42am

Publié par LaSourisJOne

Arithmétique de la chair :)

Roman.

Evidemment, ce livre-là, si on ne me l'avait pas mis entre les mains, je ne l'aurais probablement jamais lu. La couverture, le nom... Et cela aurait été dommage.

Car j'ai aimé. Ce livre est singulier, je m'y suis coulée sans freins. Il surprend. Il nous donne à voir une conception du monde radicale, mais intéressante. Entre mathématiques, goût rassurant pour les chiffres qui décrivent le monde sans surprise et permettent de le rendre rassurant, et monde réel, extérieur où l'on peut se perdre. Evidemment, on se dit que les mathématiques qui sauvent pourraient être tout autre chose. Alors ce livre ressemble à une allégorie. Mais il s'y ajoute une dimension supplémentaire : le rapport au corps. De l'aveu de la narratrice parfois pas forcément compris, mais, et c'est là que cela étonne, comme étant souverain. Vivant sa vie au delà de l'esprit... Finalement, quand j'écris cela, je me dis que ça ne manque pas de sens.

En tout cas, cette Bettina est experte en chiffres et donc comptable dans une entreprise. Son corps se caractérise par un fort embompoint, elle vit une vie solitaire, se satisfait de peu, flanquée de ses écrans, et cela ne la gêne pas, elle est sereine. Et son corps se met à enfler, jusqu'à atteindre l'obésité des 96 kg. Elle s'étonne, elle qui mange si peu pour tenter de réguler ce corps... Puis, surviennent les événements qui vont bouleverser ce chemin : elle s'inscrit à un concours de mathématiques, concours télévisé, le remporte, et elle et son corps, elle et sa sérénité vont devenir des espèces d'icônes, parce que ressenties comme 'profondémement authentiques' et uniques dans le paysage actuel. Cela permet au passage à l'auteur de passer un regard largement critique et sans doute manichéen (même si on peut lui reconnaître qu'elle le connaît bien !) le monde de la télévision et des médias. C'est sans doute ce que je reprocherais à ce livre : de se laisser aller à des catégorisations trop rapides et simplistes. De faire entrer certains de ses personnages secondaires dans des 'schémas' (le patron de son entreprise est nécessairement sans qu'aucune chance ne lui soit donnée un petit bourgeois de courte vue gouverné à la maison par sa femme, par exemple ; mais cela sert aussi la finalité de son livre, son propos).

Donc, il y a dans ce personnage principal et dans son rapport au monde une sincérité, une authenticité, et une indépendance d'esprit qui séduisent. Bien sûr, on peut s'étonner de la suite, mais ce n'est pas pour déplaire, qu'un livre nous étonne : elle va séduire, séduire quelqu'un qu'il devait être impossible de séduire ; et, parce que c'est là sa personnalité, rester accrochée à cet amour qu'elle juge hors dimension, infini. Comme peuvent l'être les chiffres, en oubliant que l'humain est fait de faiblesses, de fragilités, et en refusant qu'il soit aussi fait de renoncements et de recommencements. C'est un être authentique, entier, comme le nombre, mais qui renonce, plutôt que de tenter de reconstruire... J'ai trouvé cette lecture très raffraîchissante.

Merci à Annie et à Delph de me l'avoir permise.

. Arithmétique de la Chair, Macha Méril, éd. Flammarion, mars 2016.

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Les hommes meurent, les femmes vieillissent :))

3 Janvier 2015, 20:30pm

Publié par LaSourisJOne

Les hommes meurent, les femmes vieillissent :))

Nous voici dans les coulisses de l'Eden, un cabinet d'esthéticienne tenu par Alice. J'allais écrire un cabinet d'esthéticienne pas comme les autres. Là où on pourrait attendre de la légèreté, à partir d'un sujet qui pourrait sembler futile, la beauté féminine, on a du grave, du lourd, du vrai. Et c'est à une belle galerie de portraits, qu'on est conviés ici. Alice donne, et touche, au sens premier comme au sens figuré, sa clientèle ; ceux qui y viennent y reviennent. Tous âges, de 16 à 94 ans... A travers une galerie familiale, ou presque ; à partir de la fiche, établie avec sensibilité, comme une fiche d'identité, de chacune, chacun, par Alice, avec les goûts, les préférences, les traits de personnalités qui les caractérisent brièvement. Puis, un chapitre où chacun, chacune, s'exprime, autour de sa vie, ce qui marque l'existence, ce qu'elle/qu'il trouve à L'Eden, qui va déménager, et s'installer en face, dans l'appartement laissé vacant par Eve, suicidée que personne ne peut oublier... Portraits sans concessions, touchants, forts, non sans humour, sans distance sur soi aussi, etqui évoquent le passage du temps. Le passage du temps sur les corps, et sur les âmes ; les orientations d'une vie, avec ses virages, ses duretés, et ce qui fait qu'on est debout, parce qu'il faut bien. portraits de femmes touchants, forts, et des voix qu'on n'oublie pas.

Très beau moment de lecture.

Médiathèque de Pleurtuit.

Les hommes meurent, les femmes vieillissent, Isabelle Desesquelles, éd. Belfond, 2014.

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