Le mur invisible :)
Ouh la ! La claque !! Etonnant roman que celui-ci, écrit par l'Autrichienne Marlen Haushofer, et paru en 1963. Je peux tout à fait imaginer qu'il habite longtemps, longtemps son lecteur...
C'est le récit d'une femme, d'âge mûr, qui a élevé deux filles, veuve, qui se rend de temps à autres chez des amis en montagne. Nous la découvrons au cours de l'un de ces séjours. Un après-midi, le couple qui la reçoit s'absente pour aller au village d'à côté. Habitués à fonctionner en autonomie, chacun vaque à ses occupations... Elle se couche, et ferme la porte à clé... Oubliant de se réveiller pour leur ouvrir au cas où ils reviennent en pleine nuit. Au matin, elle découvre qu'ils ne sont pas rentrés et part à leur recherche, à pied, quand elle se heurte violemment la tête contre un obstacle transparent... Il s'avère que cet obstacle est un mur invisible, qui semble avoir été érigé pendant la nuit, et qui se présente à elle dans quelque direction qu'elle tente d'emprunter... Elle finit par planter des branches d'arbres le long de celui-ci, pour ne plus avoir à s'y cogner...
Elle est alors prisonnière de la vallée, avec quelques animaux domestiques, sans compagnie humaine : règne une ambiance de fin du monde... D'autant que de l'autre côté du mur, les rares humains qu'elle aperçoit sont figés, comme de pierre...
Cela m'a rappelé la nouvelle de Simak, le "voisin"...
C'est le quotidien de cette femme qu'on lit ici, pendant un peu plus de deux ans (puisqu'elle a un réveil, et qu'elle note le passage du temps)., la façon dont elle va devoir s'organiser, ce qu'elle va devoir apprendre, réapprendre ou désapprendre... Son récit s'arrête lorsqu'elle n'a plus de papier pour écrire...
C'est étrange parce qu'il se passe évidemment peu de choses dans ce récit, mais chaque petit événement a une énorme résonnance ; on les vit avec une réelle intensité, comprenant , ressentant même presque ce qu'ils peuvent représenter pour elle dans sa situation. Il se passe peu de choses, et souvent des choses répétitives, et pourtant on se passionne pour cette histoire, on suit ses pensées, ses cheminements, et surtout on attend de savoir quelle issue aura cette histoire... Evidemment le récit tend à faire relativiser beaucoup de choses, le superflu par rapport au strict nécessaire, au coeur de ce texte... Avec pour moi deux pages marquantes d'ailleurs, où elle fustige le rythme quotidien et normal en ville, qui ruine les nerfs, alors qu'on devrait toujours tendre à se rapprocher de la nature, et à ne pas se mentir...
Un texte très fort, que je remercie Jérôme de m'avoir fait découvrir...
. Le mur invisible, Marlen Haushofer, éd. Babel. Paru en 1968, Actes Sud en 1985.