Etta et Otto (Et Russel et James) :(
Bon alors. Ce roman-là m'avait drôlement donné envie. Une femme, sur la fin de sa vie, à 83 ans, décide qu'elle n'a jamais vu la mer et qu'elle veut la voir, qu'elle ira, à pied, pour cela jusqu'à elle. Elle part, un matin, subrepticement, sans prévenir son mari, Otto. On va suivre Etta dans son avancée, et Otto dans sa solitude, son attente ; une attente qu'il transforme avec courage en quelque chose de beau, j'avoue que j'ai adoré le voir aménager sa solitude ; petit à petit ; par les recettes de cuisine d'Etta qu'il va tenter de faire, on va trouver les traces de l'amour ou de la prévenance d'Etta pour Otto dans les recettes elles-mêmes, et puis il y a ces journaux qu'il achète en grand nombre parce qu'Etta (dont il ne peut qu'imaginer l'avancée) y est, photographiée par un curieux à son insu ; et ce qu'il va trouver pour habiter sa solitude pour utiliser tout ce papier : il va se mettre à sculpter, à confectionner tous ces animaux un peu partout, en papier maché. A l'image de ses artistes d'art brut, artistes sans le savoir, l'abbé Fouré, le facteur Cheval... Dans son avancée, Etta rencontre un coyotte, qu'elle appelle James, et qui va la suivre, et lui parler au long de son avancée. Mythe ou réel, déjà ? En tout cas, pourquoi pas. Ce livre m'a fait penser à tout un courant de littérature où la nature est chantre, personnage autant que les humains... Pourquoi pas... En tout cas, James ne m'a pas dérangée. Cela dit...
Les nombreux retour dans leur passé m'ont saoulée. La jeunesse d'Etta et d'Otto pendant la guerre 14-18, eh bien j'avoue que ça ne m'intéressait pas, je ne m'attendais pas à lire ça ici, et ça nous éloigne de l'épopée. Ah oui, si : on croit deviner avec cette narration quelque chose de profondément triste si tel est le cas : Etta a choisi Otto parce qu'ils se sont écrits pendant qu'il était à la guerre ; Russel aimait terriblement Etta, croyant mort Otto ils entreprennent une histoire, Otto revient et il semble qu'il s'installe dans la vie d'Etta. On a l'impression que c'est ainsi. Et en même temps, ce qui est frappant c'est l'absence de 'sentiments', dans le récit du passé ; il n'y en a pas, il n'y a que des faits, bruts.
Je crois que sans cette partie du passé le livre m'aurait beaucoup plus plu. Du coup, plus associé au fait que l'épopée s'effiloche sans qu'on comprenne bien comment (Otto se confond avec Etta, une journaliste sortie de nulle part en mal de vie concrète finit sa marche avec elle, James disparaît, on pense qu'il est mort, et puis il réapparaît...), c'est une tristesse insidieuse, une mélancolie diffuse que ce récit nous apporte. Pas de lumière, comme je l'avais imaginé, mais plus une fermeture. Finissent-ils en maison de retraite ? Les blouses qu'on voit sur la fin, sont-ce celles des maisons de retraite ? Ou l'auteur a t-elle finit par méler les deux temporalités (la blessure de guerre d'Otto, l'oreille, l'hôpital et l'hôpital pour Otto en fin de vie, et Etta au bout de son voyage) ? Je ne sais pas, et j'avoue que je n'ai pas vraiment envie de le savoir.
Si je suis contente d'avoir connu cette auteure, je suis avant tout contente d'avoir quitté son univers et son histoire.
Etta et Otto (Et Russel et James), Emma Hooper, traduit de l'anglais (Canada) par Carole Hanna, éd. Les Escales, octobre 2015.