Hôtel Iris
Je ne suis pas mécontente de quitter cet univers. J'avais lu, et aimé, La petite pièce hexagonale, de cette même auteure japonaise écrit deux ans avant cet 'Hôtel Iris'. Les prémisses étaient contenus dans ce petit livre, mais la lisière n'était pas franchie. Ou en tout cas, la bienveillance de cette petite pièce cachait... Mais cachait quoi ? Ici, on n'est pas loin de tout ce qui peut servir à la psychanalyse... Comment parler d'une histoire qui a tout pour révolter, tout pour choquer, mais que l'héroïne ne vit pas comme cela ? Très jeune, sans doute 16 ans, elle travaille à l'hôtel avec sa mère, propriétaire de l'Hôtel Iris. Une mère rude, complexe, ambivalente, comme souvent ce qui sourd chez Yoko Ogawa. L'ambivalence. Ce qui pourrait être bon, mais ne l'est pas. On est dans une réalité glissante, peu commune... A la limite de la souffrance absolue, mais qui bascule sans cesse dans une autre dimension, parce que l'histoire n'est pas transformée, n'est pas bonifiée, ni passée au crible du regard critique du personnage qui la vit. Mari, un jour, entend une phrase et assiste à une scène forte entre un client et une cliente, sans doute une prostituée, au sortir d'une chambre d'hôtel. Elle intériorise cette phrase, elle en garde une espèce d'admiration, alors même que la phrase a tout pour être rejetée. Alors elle va revoir cet homme, appelé 'Le traducteur', marqué aussi par son ambivalence... Doux et cruel. D'une cruauté sans nom, allant jusqu'à l'humiliation. Cette jeune fille qui a grandi sans père va accepter, et aimer tout ce qu'il va lui faire subir, des horreurs, si on est tout à fait honnête, les pires horreurs. Mais elle n'a pas le pouvoir du recul, de la distance... Entourée d'une mère qui l'utilise plus qu'elle ne l'aime, d'une femme de ménage qui lui vole ses objets elle va se repaître de cette relation avec cet homme, étrange, sur son île, qui ne se nourrit que d'aliments liquides. Ici, la mort guette, jamais loin, comme quelque chose qui se tend jusqu'à son paroxisme et l'atteint parfois. Et il y a ce neveu étrange, qui n'a plus de langue, et qui parle en écrivant de petits mots de papier pendus à son cou à un pendentif. Atmosphère au bord de la tension, de l'étrange, du malaise, sans que jamais cela ne soit présenté comme tel.
Déroutant, bien sûr... Mais on est contents de refermer la dernière page et de laisser derrière soi cet univers tendu, ambivalant...
Médiathèque de Saint-Malo.
Hôtel Iris, Yoko Ogawa, éd. Actes Sud. 1996 ; 2000 pour l'édition française.